… mais pourquoi ? …
Pour n’importe quel hôtel, pour n’importe quel HLM à plusieurs étages, n’importe quel Lycée, le problème de l’évacuation se pose aussi bien qu’ait-elle été pensée par l’architecte, reprise par le propriétaire, mise en évidence sous forme de pancartes, de fléchage, de marquage au sol, de vidéos, d’exercices, de tous les moyens humainement possibles et imaginables, il y a toujours une grande inconnue : comment ça va se passer si un jour ça arrive ?
Je ne reprendrai pas ce qui avait été prévu pour l’évacuation de la Concordia, j’ai dit tout ce que je savais à ce sujet (vidéo, pancarte et gilet de sauvetage dans la cabine).
Mais il reste encore et toujours un gros pourquoi.
… pourquoi y a-t-il eu ces comportements de panique qui ont généré parfois de très vilaines choses dont 6 mois après on n’est peut-être pas très fier ? …
Réfléchissons :
la côte était à 13 m, le port le plus proche à 300 m, tout le monde réveillé et les lumières de PORTO GIGLIO étaient encore allumées
la Concordia, posée sur le fond rocheux à quelque distance de la fosse la plus proche ne pouvait plus couler complètement
l’encadrement humain et professionnel procheétait là, reconnaissable à la couleur jaune de son gilet de sauvetage
les Officiers faisaient leur boulot, qui dans la passerelle le maximum de temps, qui sur les ponts ou à la recherche de renseignements techniques que le black-out ne permettait pas d’avoir autrement qu’à pied avec leur uniforme ou en civil. C’est vrai, ceux qui n’étaient pas de quart dormaient aussi quand c’est arrivé, ils ont accouru comme ils étaient (à moins de leur imposer des pyjamas fluos …)
On dirait que je plaisante. Vous voyez un autre moyen ?
Le pont 4, c’est là qu’il fallait arriver :
en orange les escaliers, en rouge les portes, à un ou deux battants et en bleu les chaloupes de sauvetage
le bleu le plus foncé pour celles qui doivent partir les dernières
pour les deux autres bleus, je vois bien qu’elles ont une forme différente mais je n’en sais pas plus
Tous les professionnels de la mer qui étaient là
cliquer sur l’image pour la voir en entier
en haut le Commandant, j’ai précisé K1 parce qu’il n’est pas le seul à porter ce titre à bord. C’est celui que j’appelle “le Commandant qui commande”, traduction littérale et surement impropre de l’italien. C’est celui qui porte pour tout le monde la seule casquette valable (merci pour les autres Commandants qui ne sont qu’à 1 examen ou concours du même grade) et la responsabilité officielle de l’accident jusqu’au jour du procès. C’est lui qui a coordonné tout ce qu’il a été humainement possible de coordonner sur un bateau géant basé sur l’électricité et l’électronique où les principaux générateurs d’électricité justement ne fonctionnaient plus.
Le K1, au Collège où sont scolarisés vos enfants c’est Monsieur le Principal, au Lycée c’est Monsieur le Proviseur.
juste au-dessous en vert, les Officiers. Tous les autres Officiers, c’est-à dire les messieurs et dames que les passagers ont eu l’habitude de voir en uniforme. J’en ai mis un nombre qui doit être de l’ordre de grandeur de la réalité. Ils n’étaient pas tous de service, mais leurs gilets de sauvetage étaient jaunes, comme ceux de tout le personnel de chez COSTA Croisière.
Sauf celui du Commandant qui commande : ne pensant pas devoir quitter si tôt son navire, il n’en avait pas mis. Je ne pouvais donc pas en parler avant. Il aurait été jaune, je pense.
Les Officiers, dans un Lycée, ce sont : le ou les Proviseur(s)-Adjoint(s), le Chef des travaux, le Gestionnaire ou l’Intendant, les CPE, le Chef-cuisinier, l’Agent-chef (pardon si j’oublie quelqu’un mais ça m’étonnerait).
entre les Officiers et les passagers, les membres de l’équipage. J’ai arrondi à mille, pardon aussi si vous me lisez. Et là, nous constatons que le nombre de marins par Officier est bien grand. Quand la sirène n’a plus fonctionné, je me demande comment les consignes leur ont été transmises. J’espère, sans trop y croire, qu’ils avaient un téléphone portable d’entreprise.
Au Lycée, ce sont les surveillants s/c des CPE, les professeurs s/c du Proviseur et du Proviseur-Adjoint ou du Chef des Travaux, les agents de la cantine s/c du Chef-cuisinier, les agents d’entretien et de maintenance (OP), la lingère s/c l’Agent-chef.
et les 3000 passagers, les hôtes. La proportion théorique est de 1 personne de chez COSTA pour 3 passagers. Marins en premier dans le cœur et pour le courage, entrainés toutes les semaines à faire face à un naufrage que l’on n’espère pas mais qu’on prépare parce que le jour où il a lieu, ce n’est plus le moment. En colonie de vacances, vers 1970 l’encadrement était de 1 moniteur pour 7 enfants. Les hôtes, c’est vous, c’est moi à la retraite.
Les élèves, ce sont les passagers, et les familles, ce sont les parents d’élèves.
Pourquoi y a t il eu des morts ? pourquoi les passagers ont-ils si mal vécu cet accident ?
Ils avaient pour Commandant qui commande, Francesco SCHETTINO, le meilleur pilote de la flotte COSTA Croisière, né à Naples dans une famille de marins, un homme qui a choisi son épouse dans une autre famille de marins, mais ils ne le savaient pas.
Ils avaient pour le seconder dans sa tâche les meilleurs Officiers du monde, ceux qui naissent en Italie dans la péninsule sorrentine avec de l’eau salée dans les veines à la place de sang mais ils ne les voyaient pas.
Ils étaient encadrés, presque maternés par les membres d’un équipage formé après sélection dans les écoles de COSTA Croisière, et ils ne savaient pas que sur un bateau tout le personnel est marin d’abord, avant d’être serveur, musicien, hôtesse ou photographe.
Ils étaient à 13 mètres de la côte de l’ile du GIGLIO, à 300 mètres du port le plus proche. Le Commandant qui commande avait déjà appelé ils ne le savaient.
On ne le leur avait pas dit.
On n’avait plus rien pu leur dire depuis que le micro de la passerelle et les haut-parleurs qui auraient pu transmettre les paroles qu’ils avaient besoin d’entendre n’étaient plus alimentés en électricité. Les Officiers étaient trop peu nombreux pour pouvoir être partout à la fois. La peur jaillissait par endroits des corps frigorifiés, ils avaient attendu si longtemps ! dans le noir, sur un plancher mouvant qui était incliné, qui s’inclinait de plus en plus, par saccades.
Et toujours ce silence sur ce qui se passait. Alors, par endroits, pas partout, la panique les a par moments submergés avec son cortège de cris, d’actes irréfléchis, complètement irraisonnés, jusqu’à en être indéfendables. Chacun pensait qu’il allait mourir. Sur le mastodonte, là-haut, dans la passerelle, le Commandant qui commande avait demandé désespérément qu’on l’aide à sauver son bateau avec ses passagers, aussi proches dans son esprit que les familles qui savaient in-live qu’il y avait eu quelque chose de grave pouvaient l’être alors de ceux qui étaient à bord. Le remorqueur n’est pas venu.
Lorsque le bateau ne pouvait plus couler, il est, ils sont tous descendus se porter du côté le plus dangereux, la Concordia a continué à s’incliner, ils ont fini par ne plus pouvoir tenir, debout sur le bastingage. A quoi ça aurait servi d’ailleurs ? les derniers passagers, les derniers membres de l’équipage étaient à bord d’une chaloupe qui ne pouvait presque pas descendre, le système auquel elle était suspendue n’avait pas été prévu pour travailler dans ces conditions. Il a mis son poids dans la balance et ça a marché. Les autres sont tombés dans l’eau. Vous, vous ne le saviez pas.
Quand il a su qu’il y avait encore du monde en difficulté à bord, quand la Garde Côtière lui a fait savoir qu’ils étaient sur le côté qu’il ne pouvait pas voir avec les Officiers auxquels il avait confié l’évacuation à bâbord où les chaloupes ne pouvaient plus descendre non plus et qu’on devait faire passer les gens un par un sur des échelles de corde, il a demandé un hélicoptère pour aller les rejoindre. Mais l’hélicoptère n’est pas venu et vous, vous ne le savez pas.
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
#1 par Al. le 7 août 2012 - 23 h 08 min
Cet article m’avait échappé :
http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=118611
Très intéressant.
#2 par Monique-Mauve le 8 août 2012 - 13 h 54 min
Mer et Marine ! ma bible.
#3 par krn le 6 août 2012 - 23 h 09 min
Deuxième point, les passagers ont pris l’initiative d’aller chercher leurs gilets de sauvetage et de se rendre aux ponts d’embarquement des canots, avant que le personnel n’en reçoive lui-même l’ordre. Ce qui explique :
1- qu’ils se soient retrouvés sans encadrement sur ces mêmes ponts et aient eu l’impression d’être livrés à eux-mêmes.
2- qu’ils n’aient pu embarquer sur les canots aussitôt arrivés devant, ayant l’impression d’attendre très longtemps avec l’énervement qui va de pair.
3- que les enfants, qui auraient du être embarqués les premiers se soient retrouvés noyés dans une foule menaçante qui menaçait de les étouffer, des témoignages de parents ont dit avoir été obligés de battre en retraite pour éviter ça à leurs enfants, c’est sans doute ce qui est arrivé à Dayana et à son père.
C’est l’attitude des passagers et non celle de l’équipage qui a généré les drames car ils n’ont ni suivi les consignes d’évacuation ni attendu les ordres de l’encadrement. La panique vient de là.
#4 par krn le 6 août 2012 - 22 h 55 min
Il y a eu des messages diffusés par les hauts parleurs, comme en témoigne Hervé, qui se trouvait à bord :
Pourquoi ne fait-il pas une annonce au haut parleur à ce moment là pour nous rassurer ? Pourquoi aucune présence d’un officier qui aurait pu calmer la panique générale ? Non, la seule info tournant en boucle c’était ce fameux message qui commençait toujours par « Tango India »
Ce message, entendu la première fois 10 mn après l’impact, était le suivant (selon les souvenirs de Hervé) : “Tango india Tango india, Tango india Tango india, ceci est un message de la part du commandant, notre générateur électrique gauche est en dysfonctionnement, nous vous prions de garder votre calme, la situation est sous contrôle”
Je comprends que le commandant ait eu autre chose à faire, mais je pense aussi que rassurer et informer était dans ses attributions et ça n’aurait pas pris tant de temps que ça. Le temps de dire, par exemple, que le navire était à 300 m du port et ne pouvait plus couler.
Il semble d’ailleurs que les anglophones aient été au courant, puisque des Américains ont informé un français, lui disant que le bateau allait se coucher gentiment tout près de la côte. Tout le monde n’a donc pas, semble t-il, bénéficié de la même information.
#5 par Monique-Mauve le 7 août 2012 - 6 h 42 min
L’anglais est la langue internationale de la Marine, la langue de travail chez COSTA est l’italien. Les français ont peut-être entendu, et ils n’ont pas compris. Personnellement je ne comprends pas les messages par haut-parleur les trois quart du temps, même en français, mais comme je suis sourde, je pense que ça vient de là. C’est vrai pour les gares quand on prend le train et c’est pareil pour le trolley qui en diffuse maintenant.
#6 par krn le 7 août 2012 - 11 h 26 min
Voilà quelque chose d’important ! Améliorer la qualité du son. Il est vrai que c’est souvent confus. Maman, qui n’a aucun souci avec ses oreilles, entendant dans une gare l’annonce suivante : « Nesle, Ham, Tergnier changement de train ! » avait compris « Il y a une dame qui a oublié son parapluie dans le train ».