Une communication de GRAUD Editions rappelle que l’un des intervenants lors de la présentation du livre de mémoire du Commandant SCHETTINO à ses compatriotes de META est Arne SAGEN, un monsieur de niveau international en matière de sécurité en mer.
paru le 16 février 2015 dans un journal-web spécialisé : SHIP2SHORE.it
http://www.ship2shore.it/it/shipping/concordia-shame-on-you-italy_56897.htm
» Pour la CONCORDIA, honte à vous, italiens ! «
La condamnation de Francesco SCHETTINO à 16 ans de prison a été au centre des chroniques du monde entier ces derniers jours.
L’isolement de fait d’un seul coupable pour la tragédie de la COSTA CONCORDIA a stupéfié surtout dans les pays étrangers.
Dans cette intervention, Arne SAGEN, ingénieur naval norvégien expert pour le Code ISM (Code International de Gestion de la Sécurité en Mer) et membre de la Fondation SKAGERRAK pour la Sûreté des Navires, qui avait mis en évidence le rôle de la Compagnie dans la gestion de la sécurité dès les jours qui avaient suivi l’accident, explique pourquoi :
Le 11 Février de cette année-ci, jour du verdict de la Cour de GROSSETO à l’encontre du capitaine de la COSTA CONCORDIA Francesco SCHETTINO, a été un triste jour pour l’OMI (Organisation Maritime Internationale) et la communauté internationale du transport maritime qui se consacre à améliorer la sécurité de la navigation.
Le commandant SCHETTINO a été reconnu coupable d’homicide involontaire de 32 personnes, passagers et membres d’équipage confondus, naufrage involontaire et abandon de navire. Cette sentence a mis un point final à un procès qui avait commencé en juillet 2013 au cours duquel le Minstère Public, qualifiant le commandant SCHETTINO d’imbécile heureux, avait requis une condamnation à 26 ans et trois mois de prison. Le commandant Schettino s’était défendu en disant qu’il a été sacrifié pour protéger les intérêts économiques de son employeur et que la peine devrait concerner l’ensemble de l’organisation de gestion plutôt que lui seul.
La compagnie n’est plus mise en cause par le procès depuis avril 2013, lorsque la Cour a accepté le paiement d’1 million d’euros par COSTA CROISIÈRES, sous couvert du groupe CARNIVAL. Cinq officiers et le représentant de la société dans l’unité de crise qui a géré la suite immédiate de l’accident ont négocié leur peine et ont été condamnés à deux ans, mais, attendu que cette condamnation est inférieure à celle à partir de laquelle on va réellement en prison en ITALIE (3 ans), ils sont restés libres.
Malheureusement un tel verdict nous ramène à l’époque déplaisante de la « chasse au coupable » qui suivait immédiatement tout désastre maritime, quand la compagnie s’en sortait indemne et que c’était l’équipage qui était systématiquement sanctionné. Ce qui semble justifié par la nécessité de satisfaire aux standards réclamés par les assurances pour accepter facilement d’accorder leur couverture aux navires, en échange de la trouvaille d’une « négligence de la part de l’équipage » comme cause de l’accident.
La sentence du tribunal italien contraste énormément avec la façon dont un tribunal britannique a traité un cas semblable après le retournement du ferry ro-ro HERALD OF FREE ENTERPRISE devant le port belge de ZEEBRUGGE en 1987, qui causa la mort de 193 personnes. Dans ce cas précis, une grave négligence de l’équipage fut décelée comme cause de l’accident.**
Mais l’enquête sur le sinistre,dirigée par le juge Justine SHEEN, ne se limita pas à mettre en évidence les lacunes du commandant et de son équipage et a révélé que la gestion de la sécurité surce bateau de la part de la gestion à terre méritait aussi d’être condamnée.
L’enquête résuma ainsi le comportement de l’armateur en matière de sécurité : » Du sommet au plus bas niveau de la hiérarchie, cette entreprise a été infectée par les germes du laxisme et de la négligence« . Par conséquent, aucun membre de l’équipage n’a été condamné à la détention et le commandant David LEWRY a été suspendu pour un an seulement.
La frustration générale de l’industrie internationale de navigation à la suite du retournement du HERALD OF FREE ENTERPRISE avait permis un bond en avant dans la gestion de la sécurité maritime, favorisant le développement du Code International de Gestion de la Sécurité.
Cet différence saisissante entre les jugements des tribunaux italiens et anglais sur les responsabilités du commandant en relation avec les dispositions du Code ISM indique que les associations des gens de mer ont encore beaucoup à faire pour protéger leurs membres contre la criminalisation en cas d’accident.
L’attaque immédiate et dure de son propre commandant par COSTA CROISIÈRES après le crash de la CONCORDIA affaiblit le Code ISM, qui identifie les dirigeants de la compagnie maritime de transport comme la pierre angulaire de la bonne culture de l’entreprise armatrice en matière de sécurité.
Le Code stipule que la compagnie est responsable pour fixer les procédures qui assureront le fonctionnement en toute sécurité du navire. Le fait que les procureurs ont insisté sur le fait que SCHETTINO était un « idiot irresponsable » n’est certainement pas en ligne avec une bonne culture de la sécurité. Si cette assertion devait être considérée comme exacte, il serait naturel de se demander qui lui a confié le commandement de la COSTA CONCORDIA ?
Il ne fait aucun doute que le Code ISM, qui est entré en vigueur en 1998, a eu un grand impact sur la sécurité dans le transport maritime, mais nous avons maintenant de bonnes raisons de se demander si tous les armateurs sont suffisamment sérieux pour mettre en œuvre ses dispositions.
Aujourd’hui les inspecteurs des pavillons ou des organisations reconnues, comme les sociétés de classification, montent à bord et vérifient, par l’intermédiaire de documents sur papier, que le Code ISM semble bien appliqué. Mais ils ne peuvent pas certifier qu’une « mentalité de sécurité » est bien entrée dans la culture de l’armateur. Malgré le rôle des vérificateurs et des certificateurs, il y a très peu de choses qu’un organisme de classement puisse faire pour améliorer l’attitude d’une compagnie de transport maritime envers la sécurité. La culture de la sécurité doit venir de la gestion de la société.
Une solution réaliste pour l’industrie de la croisières pourrait être l’adoption système Tanker Management Safety Assessment (Evaluation de la Gestion de la Sécurité des Pétroliers), créé pour l’industrie de l’armement des pétroliers par le Forum Maritime International des Compagnies Pétrolières. Le TMSA a été rédigé dans un esprit d’efficacité optimale, adapté à l’industrie maritime au sens large.
Depuis une vingtaine d’années, l’industrie pétrolière est la bête noire de la navigation, impliquée dans un grand nombre d’accidents accompagnés de graves répercussions sur l’environnement de par le monde (NDS : les marées noires).
Suite au nombre croissant d’accidents concernant des pétroliers affrétés par les plus grandes compagnies pétrolières, le Forum a mis au poinr le TMSA au sujet des procédures de vérification.
Le TMSA est un système de sécurité à quatre niveaux, parmi lesquels le premier est à peu près équivalent au niveau du Code ISM. Le quatrième niveau est comparable à la certification de qualité ISO 9000. Le TMSA est devenu une grande réussite pour l’industrie pétrolière et a conduit à une amélioration considérable des statistiques d’accidents dans le secteur. Il pourrait être facilement adapté aux navires de croisières et à passagers.
Arne SAGEN, enquêteur spécialite des accidents, de la Fondation SKAGERRAK, NORVÈGE
*Le code ISM
https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_international_de_gestion_de_s%C3%A9curit%C3%A9
« La pierre angulaire d’une bonne gestion de la sécurité est l’engagement au plus haut niveau de la direction.
Lorsqu’il s’agit de sécurité et de prévention de la pollution, ce sont l’engagement, la compétence, les attitudes et la motivation des personnes individuelles à
tous les niveaux qui déterminent le résultat final. »
** l’accident du HERALD OF FREE ENTERPRISE avec des photos http://naufrageferries.canalblog.com/archives/2010/04/04/17470056.html