Archives de 8 décembre 2013

L’AFRIQUE, le « TITANIC français »

Le paquebot français AFRIQUE, parti de BORDEAUX pour DAKAR le 11 janvier 1920, a sombré le lundi 12 janvier 1920 à 3 heures du matin au large de l’ile de RÉ, il y a eu 43 survivants sur 568 personnes en tout.

C’est extraordinaire comme on peut être oublieux dès qu’il s’agit des choses de la mer ! 

C’est la plus grande catastrophe marine française et j’ai appris qu’elle avait eu lieu le mois dernier par la télévision, comme vous tous probablement, parce que c’en est bientôt le centenaire, quelques années après celui de la Grande Guerre, celle de 14-18, et que les derniers qui s’en souviennent voudraient bien organiser quelque chose, faire un film le plus VRAI possible, pour que, au delà de l’oubli général, leur drame familial puisse servir à éviter un prochain accident et peut-être recueillir de nouveaux détails par l’intermédiaire des mémoires d’autres familles encore que le miracle d’Internet risque de rapprocher d’eux …

 Il faut dire qu’on en sortait juste, de la Grande Guerre, de ses drames et de ses deuils pour presque chaque famille de France.

 Il faut dire qu’il allait y avoir les premières élections présidentielles après l’armistice pour organiser la nouvelle vie du pays. CLEMENCEAU, le tigre, y sera battu c’est Paul DESCHANEL qui lui succèdera.

Depuis trois mois après la catastrophe, plus aucun journal n’en a parlé. Bizarre : en 1920, ça ne peut pas s’expliquer par la difficulté du passage au Web pour les journalistes ou la surabondance de pseudo-infos « in live » pour le français moyen !  

Alors quoi ?  « ça n’aurait pas dû arriver ? »  » Le monde entier s’est demandé comment une chose pareille avait pu être possible » pour oublier ensuite totalement que possible ou pas, elle venait d’arriver ? on ne suit pas les affaires quand c’est grave ?

D’après les témoignages et souvenirs :

Un paquebot dont tout le monde dans la profession savait qu’il était en mauvais état a pris laborieusement la mer parce qu’il n’y a pas que les trains qui partaient toujours à l’heure ! 

Peu après avoir quitté le quai, il est certain qu’il avait déjà de l’eau dans les soutes.

Il a subi un bon petit chapelet de pannes rien que pour sortir de la GIRONDE. Il a passé la première nuit à quai, un peu plus loin. 

Puis il est reparti, les hommes ont essayé de pomper l’eau dans sa cale à la force de leurs biceps, glissant sur des résidus de vidange pas encore dégagés et qu’on avait gardé sur les lieux de travail pour ne pas offenser le regard des passagers.

(C’était au temps où il y avait officiellement plusieurs classes, maintenant on dit la même chose autrement, on parle du prix de la cabine, de la vue, du balcon…)

Le Commandant a demandé un remorqueur. Le remorqueur a fait ce qu’il a pu dans une mer déchaînée et a du finir par s’éloigner pour éviter le choc. Beaucoup de bateaux étaient venus sur les lieux, d’autres remorqueurs, un autre paquebot qui se tenait le plus près possible. Ils n’ont rien pu faire de concret sans danger pour eux et pour l’AFRIQUE.
Le navire, ingouvernable pour de bon a fini par heurter et re-heurter le bateau-phare qui signalait la présence d’un écueil à éviter absolument. Lui, structurellement fragilisé par ces multiples chocs, a continué tout droit dessus par inertie et s’y est cassé en deux. 

(c’est ce qu’on peut lire le plus souvent)

Il avait quelques canots de sauvetage, je ne sais même pas s’il en aurait eu suffisamment pour évacuer tout le monde : les passagers avaient déjà le mal de mer à bord, ils voyaient bien la difficulté de mise à l’eau de ces canots, ils ne réalisaient pas qu’obéir aux consignes transmises par le personnel, c’était une chance de salut : ils ont refusé en masse de monter dessus.
Le paquebot s’est cassé suite à la deuxième voie d’eau que lui ont infligée le bateau-phare et l’écueil lui-même, il a coulé en quelques minutes. 

 Des membres de l’équipage étaient montés dans un canot.

1 seul passager a bien voulu les suivre. 
Il sera le seul passager survivant. 

 Ces hommes ont été inquiétés. « Soupçonnés d’abandon de poste », ils ont du se présenter devant un Tribunal.

Le Commandant LE DÛ est mort noyé, il ne pouvait pourtant plus rien faire ni pour sauver la bateau, ni pour sauver les passagers malgré eux qui refusaient de quitter le bateau perdu.

A 43 ans, marié, père de 6 enfants, qu’il repose en paix.

La suite judiciaire est bizarre de chez bizarre :

les familles des victimes volontaires ont attaqué :

  • d’abord la compagnie française, les Chargeurs Réunis, aujourd’hui disparue, qui avait une curieuse conception de la maintenance. Pour formuler cela bien, nous dirons ce ne devait pas faire partie de ses priorités. Bref, la compagnie en sortit plus blanche que la neige : avec des dommages et intérêts de la part des familles des passagers de 3ème classe
  • ensuite l’équipage qu’ils ont accusé d’incompétence crasse, mais ce n’était pas le cas, c’étaient de bons marins, une large majorité d’entre eux connaissaient bien ce navire-là et c’est ressorti au cours des débats. Et l’équipage innocent fut innocenté.

En matière de sécurité en mer, sur le moment, l’idée d’une unité de secours en mer a été lancée. L’organisation et l’intendance n’ont pas suivi. C’est plus tard qu’il y a eu des sauveteurs embarqués, équipés et capables d’intervenir en mer sur les lieux d’un sinistre. Par contre, au bateau-feu de 1920 ont succédé un ensemble de balises : 

 

parmi elles, la la balise cardinale SE Rochebonne est signalée sur le site Marine Traffic comme aide à la navigation.

Lui, le voilà :

cette image aussi est tombée dans le domaine public

Il s’appelait L’AFRIQUE, il est répertorié là aujourd’hui, là aussi. Même sur un site de marine, les  causes de sa perte sont multiples et variées : en clair, cent ans après, on ne connait toujours pas la vérité vraie sur les causes de sa perte. Ce serait pourtant utile pour essayer d’éviter que ça se reproduise dans ma logique de souriceau terrien.

Son naufrage était tombé, publiquement du moins, dans l’oubli le plus total jusqu’à ces deux mots dans le journal télévisé.Pourtant, sur le moment, il y avait eu de ces débats, à la Chambre des Députés !

 Qui se souviendra de lui et de ceux qu’il portait en FRANCE, demain et parmi les futures générations ?

Parmi les descendants des disparus, ceux qui les ont connus ne sont plus très jeunes, sauront-ils pourquoi ils n’ont pas revu leurs proches avant de les rejoindre dans la mort ?

« A la mémoire des 568 victimes du naufrage du paquebot Afrique survenu le 12 janvier 1920 à 23 milles dans le Sud Ouest des Sables d’Olonne. »

Ceux qui se souviennent aussi aujourd’hui, ce sont aussi les plongeurs « les Anges », dont le site présente beaucoup vidéos de plongée sur l’épave de l’AFRIQUE, dont ressortent le calme et la paix des profondeurs, contrairement aux récits du naufrage tous imprégnés de la fureur des flots en surface, ainsi qu’un diaporama, tout en bas de la page-écran.
Bibliographie :

Essayons d’aller un peu plus loin en utilisant les documents qu’Internet met à notre disposition

L’estuaire de la Gironde, la carte du fond et le balisage :

 Vous en trouverez une représentation simple et interactive

On constate un nombre impressionnant de phares à secteurs de trois couleurs, de couloirs balisés et plus ou moins profonds. 

On voit que la route du paquebot, obligatoirement, a été celle de la Grande Passe de l’Ouest, bien balisée, dans laquelle, même par temps calme, « durant les 6 heures de flux (marée montante) 300 à 600 milliards de mètres cubes d’eau de mer entrent dans l’estuaire, alors que veulent en sortir 20 à 50 milliards de mètres cubes d’eau douce (voir EPOC – Bx3) », de quoi donner le mal de mer.

 On voit enfin un bon nombre d’épaves posées ou ensablées plus ou moins profond sur toute la surface concernée, en particulier dans le banc de sable appelé « LA MAUVAISE », plus au nord, vers les iles de RÉ et d’OLÉRON, mais pas seulement, sur le passage à l’intérieur des terres il y en a aussi.

Les ile de RÉ et OLÉRON, c’est la Charente Maritime, c’est le port de LA PALLICE où il y a un chantier de réparation, celui de la ville de LA ROCHELLE.

La marée au départ avec tous les bancs de sable à franchir et des zones de peu de profondeur ? montante.

(A GRAVELINES, où l’AA est à sec deux fois par jour, on part en mer à la marée montante – quand elle est basse, les barques sont carrément échouées sur la vase.)

L’épave est située au point de coordonnées 46° 16′ 370 N – 02° 14′ 350 O

CapturepAfrique08'''''600 sur 400

Quel temps faisait-il ? la tempête puis l’ouragan ?

Consultons la météo de la FRANCE pour 1920.

Le jour du départ, le samedi 11 janvier 1920, il y avait bien une tempête, mais sur la Manche, entre la Normandie et l’Angleterre,avec des vents de sud-ouest. 
Le temps était doux et pluvieux, avec 11° à Arcachon, 10° à Toulouse, 8° au Havre.

Le dimanche 12 janvier 1920,
la mer est démontée, la tempête de la Manche est montée sur les iles Faroé,
donc, entre l’Islande et la Norvège. Mais il y a des pluies diluviennes
en Bretagne, dans le sud, soleil. Il fait 12° à Arcachon et à Lorient.

Le lundi 13 janvier 1920, il y a eu un ouragan à Paris, qui a duré 2 heures. Sur l’Atlantique, le vent était d’ouest, fort, mais sans tempête. La mer est grosse à houleuse.

Le déroulement des évènements :
Départ de BORDEAUX à … h.
A 10 h une voie d’eau qui petit à petit noiera la salle des machines
Le 11, 7 h du matin : appel à l’aide par TSF (télégraphie sans fil – la radio) 

?????

décidément, il n’y aura pas de chronologie précise, je disais donc :

—–  départ du port de BORDEAUX (à destination de DAKAR),

—–  première voie d’eau qui, petit à petit noiera la salle des machines

—–  essai pour rejoindre le chantier de réparation le plus proche à vol d’oiseau avec un seul moteur qui fonctionne sur les deux

—–  black-out et perte complète des commandes, il n’y a pas de remorqueur disponible assez puissant pour tirer un paquebot à ce moment là capable d’être rapidement sur les lieux, les secours qui y sont venus se tiennent prêts à repêcher ce qu’ils pourront comme ils pourront,

—–  dérive, la mer amènera le bateau au contact

—–  à  minuit : choc multiple avec le bateau-phare, deuxième voie d’eau, gîte et :

CaptureA2
CaptureAFRIQUE
CaptureAFRIQUE2

—–  3 heures du matin, sans panique aucune, tout était fini pour le paquebot L’AFRIQUE, son Commandant, une partie de son équipage et ses passagers sauf 1.

Les rescapés ont été repêchés qui dans un canot rigide, qui sur un radeau gonflable.

Mais pour ce qui est des témoignages à chaud reportés par les journalistes, ON NE POUVAIT DÉJÀ PAS S’Y FIER !

CaptureA1

Le Commandant dont la famille a pu lire ça…
Ils ont transmis aussi le témoignage du seul passager rescapé qui, de bonne foi, pensait que d’autres passagers avaient pu faire comme lui.
Les familles des passagers ont pu lire aussi…
Seules les familles de l’équipage n’ont pas été trompées dans leur douloureuse attente de nouvelles, on n’en parlait pas.

 Bref, à retenir :

c’est de l’Histoire de France.

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