La CONCORDIA, une affaire nationale – pages 11 à 15

Giovanna BOURSIER
Page 11
Vous avez abandonné le navire avant que les passagers soient en sécurité ?

Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Non. 

Giovanna BOURSIER
Toute l’Italie est informée du fait qu’il y a un commandant à deux balles à bord, qui n’est pas capable de gérer une situation d’urgence et qui a pris ses jambes à son cou à partir du moment où il a pu sauter sur une chaloupe ?


Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Le navire m’est tombé dessus et du coup je n’ai plus rien eu de solide sous les pieds.

Giovanna BOURSIER
Vous me dites que vous avez glissé ? 

Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
On peut dire glissé, on peut dire tombé, la sensation de manquer et de se retrouver sur le canot.
T
out de suite, c’est-à-dire à l’interrogatoire de garantie, j’ai voulu décrire ce moment en donnant sa sensation particulière, mais je n’aurais jamais imaginé qu’on allait broder autant sur ce terme.
Le fait est que, quelques instants après, 
à côté de moi le commandant en second s’est jeté à l’eau, il ne pouvait pas faire autrement.

Giovanna BOURSIER
Vous êtes restés là ?

Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Nous ne sommes pas restés là parce que nous serions tombés à l’eau de toute façon !

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Giovanna BOURSIER en voix-off 

La version de SCHETTINO qui était sur un pont du navire du côté droit : « je n’avais pas le choix« , car le navire a coulé en basculant sur ce côté-là et le pont en question a fini sous l’eau.
En dessous, il y avait une chaloupe qu’un marin pris de  panique n’arrivait pas à désencastrer ; c’est pour cela qu’il aurait sauté dessus, l’aurait libérée, et peu de temps après serait arrivé sur les rochers.

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Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Je n’ai rien fait d’autre que d’éloigner la chaloupe et d’appeler les secours depuis elle … et de dire : « Messieurs, je suis le commandant et je ne suis plus à bord, je suis en difficulté, venez récupérer les personnes qui sont à la mer parce que moi, je ne peux rien faire de plus que ce que j’ai déjà fait ».
Donc, c’est moi qui l’ai dit.
Il m’aurait fallu trois ans pour prononcer trois mot à la suite.

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Giovanna BOURSIER en voix-off

Peu après, FERRARINI appelle le commandement de la Capitainerie à ROME pour demander davantage d’hélicoptères pour aller secourir à bord ceux qui sont restés sur le côté émergé, le côté gauche, et apprend au Commandant MANNA que SCHETTINO est arrivé sur la roche.

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au téléphone le colonel Leopoldo MANNA, commandement de la Capitainerie 
Il va coordonner de là ?
Que fait-il ?
 
au téléphone Roberto FERRARINI
Mais il dirige de là autant qu’il peut le faire, seulement, maintenant, il n’a pas les moyens d’y voir quoi que ce soit.
Je pense que je m’adresse à la bonne personne : j‘ai besoin de parler à quelqu’un de très qualifié pour atterrir sur la coque et, nous dirons, commencer à se rendre compte de la situation sur place.

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Giovanna BOURSIER en voix-off

Une demi-heure plus tard, le colonnel MANNA appelle directement SCHETTINO.

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au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Le navire est pratiquement posé sur le côté.
au téléphone le colonel Leopoldo MANNA, commandement de la Capitainerie
Bien, oui monsieur, je vous suis bien.

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Le côté, tout le côté tribord est complètement immergé.

au téléphone le colonel Leopoldo MANNA, commandement de la Capitainerie
Oui monsieur.

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Sur le côté gauche, le premier officier et le commandant en second m’ont dit depuis la poupe : commandant, il y a une dizaine de personnes, un autre m’a dit 100, un autre a dit 150.

au téléphone le colonel Leopoldo MANNA, commandement de la Capitainerie
Oui, je comprends. 

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Une fois que nous nous sommes éloignés, quelques personnes qui étaient restées sur le pont ont glissé dans l’eau, à quelques chaloupes qui faisaient la navette entre la terre et le navire nous sommes revenus prendre ces personnes à la mer.

au téléphone le colonel Leopoldo MANNA, commandement de la Capitainerie
Très bien. Donc vous ne pouvez pas être sur et certain du nombre de personnes à bord.

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Non, je n’en suis pas certain.au téléphone le colonel Leopoldo MANNA, commandement de la Capitainerie
Non, c’est évident.

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Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Il conclut l’appel en disant qu’il me donne carte blanche, que je suis sa référence sur place.
Puis un autre officier m’appelle, lui aussi de la Capitainerie du Port, qui avait de toute évidence une toute autre vision de la chose.
Et alors là, si j’avais pu me douter que ce coup de téléphone serait utilisé après !

Parce que, voyez-vous, je ne comprends pas pourquoi l’un des enregistrements téléphoniques a été diffusé et l’autre pas.
Il a été fait un choix en amont ? c’est ce que je me dis.

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Giovanna BOURSIER en voix-off

L’enregistrement téléphonique est celui que tout le monde connait, celui du commandant DE FALCO qui appelle de LIVOURNE à 1 h 46.

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au téléphone, le commandant Gregorio DE FALCO
page 13
Ecoutez, SCHETTINO, il y a encore des personnes prisonnières à bord. Maintenant, vous allez aller sous ma proue du navire du côté droit, il y a une échelle de corde, vous montez sur cette échelle de corde et vous allez à bord du navire.

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Commandant, alors en ce moment, le navire est incliné.

au téléphone, le commandant Gregorio DE FALCO

J’ai compris.
Il y a des gens, écoutez-moi bien, il y a des gens qui descendent par cette échelle de corde de proue.

Vous, cette échelle de corde, vous la prenez en sens inverse, vous montez sur le navire et vous me dites combien de personnes il y a à bord et ce qui s’y passe.
C’est clair ?
Ecoutez SCHETTINO, peut-être que vous vous êtes sauvé de la mer, mais je vous sens vraiment très mal là, je vais vous mettre à l’aise tout de suite moi. Montez à bord, nom d’un chien ! 

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Commandant, s’il vous plaît.

au téléphone, le commandant Gregorio DE FALCOIl n’y a pas de s’il vous plaît.
Maintenant, vous prenez votre chaloupe et vous allez à bord.
Je surveille que vous remontez bien à bord.

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Je suis venu ici avec un canot des secouristes.
Je suis en bas, ici.
Je ne suis parti nulle part.

Je suis là.

au téléphone, le commandant Gregorio DE FALCO
Vous allez à bord !
C’est un ordre !
Vous ne devez pas penser à autre chose.
Vous avez déclaré l’abandon du navire, maintenant c’est moi qui commande.

Vous allez à bord.
C’est clair ?

au téléphone Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Mais vous vous rendez compte que tout est sombre et qu’on n’y voit plus rien ici ?

au téléphone, le commandant Gregorio DE FALCO

Et vous voulez rentrer chez vous, SCHETTINO ? tout est sombre et vous voulez rentrer chez vous ?

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Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA

Pour venir nous secourir, il faut comprendre ce qui se passe, non ?
Si je dis au téléphone « écoutez-moi, s’il vous plaît », écoutez-moi ! s’il vous plaît !  

En disant mais pour moi  » ici tout est sombre », je dis « mais je ne vois pas où elle est, cette échelle de corde ».
Je n’ai pas vu l’hélicoptère, mais j’ai dit « s’il vous plaît écoutez-moi», que nous essayons de nous comprendre.  

C’est le but.

Ensuite voyons ce que  ce qui s’est passé, essayons de récupérer les personnes qui sont dans l’eau, cela signifie que j’étais là, travaillant de mon côté autant que je pouvais.

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Giovanna BOURSIER en voix-off 

Pour SCHETTINO, avec le navire renversé sur le côté, il était difficile de remonter à bord parce que l’échelle était sous l’eau et celle de poupe était occupée par les gens qui cherchaient à descendre.

A cette heure-là DE FALCO devait le savoir parce que la Capitainerie de ROME devait lui avoir communiqué la situation attendu qu’elle était en contact avec FERRARINI qui venait de lui demander que davantage d’hélicoptères aillent intervenir à bord.

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Giovanna BOURSIER
Expliquez-nous pourquoi vous avez dit à SCHETTINO « retournez à bord » alors que le navire avait chaviré et qu’il ne pouvait pas revenir à bord ?
Puisque vous dites que le problème est de 0046.

 Page 14
Gregorio DE FALCO, Capitainerie de LIVOURNE
Vous me posez une question qui ne correspond pas à ce moment-là mais à d’autres circonstances.

Giovanna BOURSIER
Le Commandement de ROME communiquait avec vous ?

Gregorio DE FALCO, Capitainerie de LIVOURNE
Le Commandement de ROME ne correspondait pas avec moi à ce moment précis, mais cela a un rapport avec …
Je vous le répète, madame BOURSIER, cela a rapport avec une enquête qui …

Giovanna BOURSIER
Non, je veux juste dire que si le Commandement de ROME a communiqué ou pas avec vous est une chose importante.

Gregorio DE FALCO, Capitainerie de LIVOURNE
Maintenant, ça, je ne le sais pas.
Je suis ici pour autre chose.

Giovanna BOURSIER
Peut-être que ce n’était pas à vous de commander ?
Qui devait commander les opérations cette nuit-là ?

ROME ou LIVOURNE ?

Gregorio DE FALCO, Capitainerie de LIVOURNE
C’est une chose que vous pouvez demander au Commandement Général.

Giovanna BOURSIER
Pourquoi ne voulez-vous pas répondre ?

Gregorio DE FALCO, Capitainerie de LIVOURNE
Mais parce que j’ai fait ce que je devais faire à ce moment-là, nous avons posé des questions, nous avons lancé les interventions selon les besoins, puis nous avons eu une procuration.

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Milena GABANELLI en studio

Bref, difficile de percer le mystère.

Le fait est qu’il y a un mois le commandant DE FALCO a été transféré dans un bureau où il se tourne les pouces.

Le héros national a fait appel, tant et si bien qu’il a été convoqué mercredi dernier devant le Parlement pour essayer de comprendre les raisons de sa dégradation et lui d’expliquer « parce que j’ai dit « cazzo » » ! 

Autrement dit, le Commandement de la Capitainerie, qui n’a pas voulu nous répondre, ni sur ça, ni sur autre chose, a mis deux ans pour décider que c’est un gros mot qui ne fait pas honneur à l’uniforme.

Par ailleurs, il est bien connu que dans la Marine, on parle un langage plus châtié.

Il est plus vraisemblable que la chaîne de commandement toute entière a sauté à la Capitainerie aussi et pas seulement sur le navire où il y avait en plus, et nous allons le voir, d’autres incertitudes.

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Giovanna BOURSIER en voix-off

Il ressort du procès en cours à GROSSETO que la CONCORDIA est partie avec la boite noire et un radar qui ne fonctionnaient pas bien.

Après le choc, certaines portes étanches ne le sont plus et ne retiennent pas l’eau qui entre par l’entaille.

Est-ce à cause de cela que le navire s’est penché ?

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Massimiliano GABRIELLI – avocat des parties civiles
Il est certain que cela a eu des conséquences sur les durées d’inondation et de naufrage du navire.

Alessandra GUARINI – avocat des parties civiles
Page 15
Le générateur d’urgence qui était censé entrer en service et assurer l’alimentation de tous les systèmes y compris ceux de sécurité et de sauvetage des personnes n’a pas fonctionné.

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Giovanna BOURSIER en voix-off

 Selon les experts des parties civiles, c’est à cause d’une erreur de conception que le générateur d’urgence n’a pas fonctionné, certaines chaloupes, les ascenseurs : au moment de l’impact, ils auraient du s’immobiliser au pont d’urgence, mais ils sont montés et descendus pendant encore 17 minutes, pour finalement s’immobiliser, portes ouvertes, mais sans la cabine devant.

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Giovanna BOURSIER
Tant et si bien que lorsque le navire chavire les gens tombent dedans, c’est-à-dire finissent dans le conduit …
Alessandra GUARINI – avocat des parties civiles
Malheureusement, on a retrouvé certains corps dans les conduits des ascenseurs, c’est vrai. 

Giovanna BOURSIER
Les chaloupes aussi ont eu des problèmes ?

Alessandra GUARINI – avocat des parties civiles
Absolument, oui.
La défaillance du générateur a compromis aussi le déploiement des bras des chaloupes ainsi que leur descente
En particulier, il est inscrit aux actes du procès que la chaloupe N°16 n’a pas été descendue justement à cause de ce problème et les personnes qui étaient dessus ont du en redescendre et tenter de traverser le navire, sur une regrettable suggestion des officiers présents, et beaucoup de personnes y ont perdu la vie.

Giovanna BOURSIER
Il semblerait que l’incompétence de l’équipage soit un autre facteur à considérer ?

Alessandra GUARINI – avocat des parties civiles
Prouvé et vérifié.
Le personnel de COSTA n’est absolument pas prêt et formé pour gérer les situations d’urgence.

Massimiliano GABRIELLI – avocat des parties civiles
Regardons qui ils ont mis dans l’équipe anti-entaille : ils ont mis un serveur.

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Giovanna BOURSIER
Qui est-ce qui doit vérifier, vous quand vous montez à bord vous le faites pour les cartes, je veux dire : qui est-ce qui doit vérifier avant de partir que tout fonctionne correctement concrètement ? 

Francesco SCHETTINO ancien commandant de la CONCORDIA
Il y a un check-up de prévu qui devrait être fait, et qui doit être enregistré, et il y a des délégations que j’attribue aux différents officiers, au directeur des machines, aux médecins, aux infirmières, c’est à dire que tout le monde a quelque chose à faire.
Si cela n’est pas fait, est responsable celui qui n’a pas fait sa part de maintenance.

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Giovanna BOURSIER en voix-off

Il ressort de l’enquête que le Capitainerie du Port de LIVOURNE a menée immédiatement après le naufrage que bien que la langue de travail à bord ait été l’italien, une grande partie de l’équipage était étranger et ne le parlait pas.
Et certains ne parlaient pas non plus l’anglais.

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Page 16

 

 

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